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Le mal... aria

Non, Sire, c’est une révolution !

Bien joli petit monsieur, Marie Louis Joseph Adolphe naît, enfant naturel, le 15 avril 1797. Il est baptisé par un prêtre réfractaire, et délaissé par son père. Adolphe Thiers (an V Marseille, Bouches-du-Rhône - 1877 Germain-en-Laye, Seine-et-Oise) sera avocat, journaliste, historien et homme d'État. En 1821, ambitieux et sans fortune, notre Rastignac abandonne son épouse, et son fils au berceau. Il a 24 ans. Il part conquérir Paris. Il se fait connaître comme éditorialiste politique libéral, favorable à la monarchie constitutionnelle. En 1833, il a 36 ans, elle en a quinze, il épouse la fille de sa maîtresse. Arriviste, opportuniste, intriguant et mondain, il finira premier président de la IIIe République. Le pays le surnommera « Foutriquet ». Marx le qualifia de « nabot monstrueux ». Clemenceau, quant à lui, écrivit : C’est « le type même du bourgeois cruel et borné qui s’enfonce sans broncher dans le sang ». Un de ses hauts faits, les plus remarquables, en effet, est d'avoir été le bourreau de la Commune de Paris.

Le 10 janvier 1944, accompagné d'une dizaine de miliciens, et du lieutenant Moritz, de la Gestapo, Paul Touvier, chef de la Milice lyonnaise, participe à l'arrestation de Victor Basch, et de son épouse. Ils seront abattus, le soir même. à Neyron, dans l’Ain.

En Russie, on emprisonne; en France, on assassine. Si le processus de la cagnotte très obscène devait se dérouler, jusqu'à son terme prévu normalement, cela signifierait que l'on peut, dans la France du XXIe siècle, être, "et en même temps", assermenté, et tueur à gages, dans l'exercice de ses fonctions. La cagnotte très obscène doit être préemptée, au profit de la famille saccagée de la personne assassinée.

Certains, d'entre vous, ont, peut être, reçu, il y a, maintenant, quelques jours, une pièce jointe, sans aucun rapport.

A ce propos, d'ailleurs, déjà, le 12 mars 1969, veille de mon anniversaire, et année de la mort de mon père, le docteur Jacques Lacan, comme ils l'appellent, à la SPA, note, bon maître, et, en cela, en avance, sur son temps, couvert, ce jour-là : « Alors bien sûr, c’est bien le moment de vous rappeler que ce que je vous ai dit : il n’y a pas de rapport ». En ce sens, l'auteur de la pièce jointe incriminée est, passablement, et, avec nous, vous en conviendrez, lui aussi, lacanien.

Et, comme le chante Georges, mais pas Abdallah, ici et maintenant, que je soutiens, néanmoins, et c'est bien le seul :
"La cane de Jeanne
Est morte au gui l'an neuf
Elle avait fait la veille
Merveille, un œuf"
https://www.youtube.com/embed/PByz9MSggoo

A cette occasion, où seront réunis auteurs et lecteurs, nous serions très heureux d'entendre vos réflexions sur les articles lus, sur le thème du Mal.

Puisqu’on a eu la bonté de ne pas me présenter, je vais, donc, entrer dans la difficile tâche de vous faire entendre, ce soir, disons, quelque chose.

Le Mal, âpre au pot... de chambre. Obscura.

« Non, Sire, c’est une révolution ! », François Alexandre Frédéric de La Rochefoucauld (1747-1827), militaire, homme politique, scientifique et philanthrope, à Louis Capet (1754-1793), dit Louis XVI, roi de France et de Navarre, puis roi des Français, dernier de l'Ancien Régime.

Le grand maître de la garde-robe s’est permis de se manifester dans la nuit, pour informer le roi que la Bastille est prise, et le gouverneur assassiné. Louis XVI est guillotiné, le 21 janvier 1793, à Paris.

L'idée de mal est associée à tous les événements, accidentels ou non, aux comportements, ou aux états de fait, jugés nuisibles, destructeurs ou immoraux, et qui sont sources de souffrances morales ou physiques. Négligée par l'Antiquité, qui tient cette idée pour une opinion, ou un sentiment, dont il faudrait se délivrer, le mal est devenu un problème philosophique, avec les doctrines dualistes — notamment Plotin — et l'apparition du monothéisme et du manichéisme. Comment expliquer que le mal absolu soit issu, en dernier ressort, d’un principe exempt de toute malignité ? Tel est le problème auquel se voit confronté Plotin quand, pour la première fois dans l’histoire de la philosophie, il propose une théorie d’émanation intégrale.

Cause partielle, mais condition suffisante, la faiblesse de l’âme n’est pas à l’origine du mal humain. Le mal en soi est la matière, elle aussi une cause partielle, mais non pas une condition suffisante du mal humain. Si Plotin met à contribution des doctrines tant d’Aristote que de Platon pour élaborer cette explication complexe du mal humain et du mal cosmique, il s’inspire aussi peut-être de l’enseignement qu’il recevait d’Ammonius, pendant les dix ans qu’il passait auprès de ce dernier (232-242).

Parmi les problèmes, que l'existence du mal a suscités de tous temps, deux ont une importance particulière : la question de savoir ce qu'il est, et celle de savoir pourquoi il existe. Poser philosophiquement la question de l'existence du mal revient à se demander si le mal a ou non, un « être ». En effet, comme le souligne Étienne Borne, « Le propre du mal tient en ceci qu'il ne peut être nommé, pensé, vécu qu'en relation avec une certaine idée du bien ». Ces deux notions, antagoniques, sont à la fois « relatives », dépendant du temps et de la culture, et « absolues », en ce que dans leur manière de se présenter aux hommes, elles relèvent de l'« universel ». C'est ainsi que la plupart des sociétés valorisent l'amitié et l'amour et à l'inverse méprisent le meurtre et la cruauté.

Le 10 janvier 1944, accompagné d'une dizaine de miliciens, et du lieutenant Moritz, de la Gestapo, Paul Touvier, chef de la Milice lyonnaise, participe à l'arrestation de Victor Basch, et de son épouse. Ils seront abattus, le soir même. à Neyron, dans l’Ain.

L’être humain est tissé de mouvements affectifs et d’émois. Il peut hurler de douleur, comme il peut exulter de joie. Comble de l’horreur, et de la déraison, il peut torturer son semblable, ou subir d’abominables supplices. Il tolère difficilement un certain degré de souffrance, et répugne à accepter l’inacceptable. Cependant tout au long de l’histoire, il n’a cessé d’utiliser, d’exploiter et de manipuler la souffrance, étant incapable de gérer ses pulsions, ses désirs et ses peurs.

Multiples facettes, considérons : l'agression russe, l'irresponsabilité climatique, les pandémies "accidentelles", le numérique envahissant, les risques technologiques, sans oublier les terribles promesses de l'intelligence artificelle, etc. Une guerre « hors limites », sur des champs de batailles épars, sans liens apparents. L’Anthropocène, un moment-clé, cette période débutée, selon ses théoriciens, autour de 1750, avec la révolution industrielle, quand l’humanité a commencé à avoir un impact significatif sur la géologie et les écosystèmes de la planète.

Contrairement à la conception chrétienne de l’époque, qui faisait des passions des élans problématiques, qui devaient être contrôlés par la raison, les passions ne sont pas mauvaises, pour Hobbes. Il ne rejoint pas, pour autant, la vision courante aujourd’hui, qui considère certaines passions comme bonnes, et d’autres comme mauvaises, la peur étant, bien entendu, du côté des passions négatives. Il renverse purement et simplement le point de vue : rien n’est bien ou mal en soi ; mais l’homme nomme bon l’objet de son désir du moment, et mauvais, l’objet de son aversion. Selon chacun et les désirs du moment, telle ou telle chose sera considérée comme bonne ou mauvaise.

Adam Smith, par exemple, condamne cette "doctrine odieuse", rejetée par "tous les bons moralistes", selon laquelle les lois du magistrat doivent être envisagées comme les ultimes et uniques normes de ce qui est juste et injuste, de ce qui est bien ou mal (Smith, 1759, pp. 424-425).

En 1992, Los Angeles s’était embrasée, après l’acquittement des policiers, impliqués dans l’affaire Rodney King. Depuis, d’autres violences policières ont donné lieu, aux États-Unis, à de fortes mobilisations et, parfois, à des débordements, comme en 2020, après la mort de George Floyd.

De surcroît, dans l’œuvre de Rousseau, à l’amour de soi-même vient s’ajouter une deuxième passion naturelle fondamentale : la pitié, entendue dans le sens d’une aversion à voir souffrir son semblable. Pour utiliser les mots de Claude Lévi-Strauss, chez Rousseau, « l’homme commence donc par s’éprouver identique à tous ses semblables ». On se situe, ici, aux antipodes de la conception de Hobbes d’un homme égoïste et vaniteux, se considérant plus sage que ses semblables. accordant plus d’importance à lui-même qu’aux autres, et n’hésitant pas à les attaquer, que ce soit pour se procurer sa subsistance ou par anticipation. Selon Rousseau, la pitié amène ainsi l’homme à respecter une maxime simple : « Fais ton bien avec le moindre mal d’autrui qu’il est possible ».

En effet, pour saisir l’un des messages importants de Lévi-Strauss, il faut d’abord comprendre qu’il proposait à ses lecteurs, en-deçà d’une théorie anthropologique, une vision du monde irriguée par la réflexion sur deux questions parmi les plus obsédantes auxquelles le confrontait un siècle marqué par un terrifiant cortège de guerres, d’exterminations et d’oppressions : celle de la présence du mal et celle des remèdes à y apporter.

Le 5 juin 2013, Clément Méric mourait, sous les coups de skinheads néonazis, en plein cœur de Paris. Lui et ses camarades avaient été agressés, de façon extrêmement brutale, par des membres d’un groupuscule d’extrême droite, Troisième Voie. Une belle vie, prématurément, et brutalement, interrompue, comme le sont tant d’autres vies volées. En 2013, il y avait plusieurs années que l’extrême droite n’avait pas tué en France, même si elle s’était rendue coupable de nombreuses violences.

Le point de départ du manichéisme – comme de toutes les gnoses anciennes – est une expérience vécue : le mal et la souffrance sont des faits, incompréhensibles pour l’intelligence et incompatibles avec la bonté du Créateur. Avant Kierkegaard, avant Pascal, ces penseurs, pour la plupart ignorés par la tradition philosophique occidentale, ont eu le sentiment que l’être humain vivait un drame existentiel, car il devait subir, sa vie durant, les assauts du Mal. Et dans ce combat incessant, il ne pouvait être que vaincu, car il doit lutter contre un Ennemi plus puissant que lui, qui finira toujours par le terrasser et l’anéantir. « Absolu, et non pas mitigé, le dualisme manichéen ne peut qu’aboutir à une vision tragique de la condition humaine, non à un quiétisme ».

Une citation de Paul Ricoeur : « Il est à peine besoin de souligner que le mal est le point critique de toute pensée philosophique : si elle le comprend, c’est son plus grand succès ; mais le mal compris n’est plus le mal, il a cessé d’être absurde, scandaleux, hors droit et hors raison. Si elle ne le comprend pas, alors la philosophie n’est plus philosophie, si du moins la philosophie doit tout comprendre et s’ériger en système, sans reste hors de lui. » (Kierkegaard et le mal, Zürich, 1963). Cet extrait du texte de Ricoeur m'a retenu parce qu'il sous-entend que Kierkegaard a ouvert une troisième voie à la philosophie, qui n’est ni celle la compréhension du mal ni celle de la défaite de la pensée
devant le scandale du mal. De fait, Kierkegaard parle du mal et pense le mal dans ce qu’il y a de plus opposé au "système", c’est-à-dire à Hegel.

Hobbes identifie sept passions simples : appétit, désir, amour, aversion, haine, joie, tristesse. Il organise aussi les passions en couples antithétiques : appétit/aversion, espoir/peur. De ces passions primitives dérivent toutes les autres. Ainsi, « La douleur ressentie en découvrant que l'on est inapte est la honte, passion qui se découvre dans le rougissement. » De même, « Le désir, en faisant du mal à un autre, de le punir d'une chose qu'il a faite est la rancune. Le désir de savoir pourquoi et comment est la curiosité. »

"Le mal, c'est ce à quoi je prends part. Le bien, c'est ce que je laisse venir.", Christian Bobin (1951-2022), écrivain et poète français. Il se fait connaître du grand public, en 1992, avec Le Très-Bas, livre consacré à François d’Assise. Cela laisse sur le cul, il n'y a pas d'autres mots ! Cui-cui. Mais, il semble qu'il ne fut pas inquiété, quoi qu’il en soit.

L'importance actuelle des Tragiques grecs n'est pas contestable, car nulle littérature n'a poussé aussi loin ce que nous pouvons apprendre sur l'humain, aussi bien dans l'horreur qu'il est capable d'atteindre, dans sa cruauté, que dans une insurpassable grandeur. Clytemnestre, après avoir assassiné son époux, découpe l'extrémité de ses membres, et les lui attache, avec un cordon, autour du cou, et sous les aisselles, pour prévenir une éventuelle vengeance du mort. Médée accomplit un geste terrible d'autodestruction, en égorgeant ses deux fils, pour punir Jason, à qui elle avait permis de conquérir la toison d'or, de s'être choisi une autre épouse.

Masques et tragédie du mal dans le soin. Mais de quel mal s’agit-il ? Et comment ce mal, supposé, peut-il advenir, dans cette relation ? Émettons l’hypothèse que le mal n’existe pas en soi. Qu'il serait contingent des mots qui, consciemment ou non, le convoquent, et du temps qui lui est alloué.

Le mal est un πoλλαχς λɛóμɛvov, dont les multiples acceptions sont ordonnées, selon la division traditionnelle entre le mal naturel ou physique, et le mal moral. Le mal naturel désigne la violence que vit, et subit, l'homme, lorsque la nature, ou le monde, contrecarre sa vie et ses projets : catastrophes naturelles, maladie, souffrance, mort. Ce mal naturel traverse et transit l'existence humaine. Le mal est un événement du monde indépendant de la volonté de l'homme. Le mal vient d'un autre et cet autre c'est la nature, le monde ou Dieu. Le mal n'est pas un événement inscrit dans l'horizon de la volonté du sujet mais il est imputé à un autre que soi mais qui a la particularité de conditionner mon être. Le mal est alors un concept de l'être en général, de l'être considéré comme englobant aussi bien l'être que nous sommes nous-mêmes que l'être que nous ne sommes pas nous-mêmes. Cependant, cette compréhension du mal n'exclut pas tout lien avec la liberté.

On trouve une meilleure réponse dans Hobbes, lorsqu’il déclare que les gens doivent renoncer à leur distinction subjective du bien et du mal, et se soumettre au jugement d’un juge, ou d’un arbitre impartial. Le point de vue de l’arbitre transforme la conception du désavantage qui a cours dans l’état de nature. Les désagréments dus à la perte de liberté sont minimes en comparaison de ceux qu’entraîne la perte de la vie, mais pour le concevoir il faut être capable d’adopter le point de vue de l’arbitre, et de se détacher en partie de ses projets et désirs ; or, c’est à cela que sert la raison conventionnelle.

Les Fleurs du mal est un recueil de poèmes de Charles Baudelaire, reprenant la quasi-totalité de sa production en vers de 1840 jusqu'à sa mort, survenue fin août 1867. Publié le 21 juin 1857, le recueil scandalise, aussitôt, la société française. Son auteur subit un procès retentissant. Le jugement le condamne à une forte amende, réduite sur intervention de l'Impératrice ; il entraîne la censure de six pièces, jugées immorales. De 1861 à 1868, l'ouvrage est réédité, dans trois versions successives, enrichies de nouveaux poèmes. Les pièces interdites paraissent en Belgique. La réhabilitation n'interviendra que près d'un siècle plus tard, en mai 1949. Le recueil est considéré comme une œuvre majeure de la poésie moderne.

Lacan a fait une lecture non imaginaire du mal. Une lecture formelle, symbolique et réelle du mal, ce qui l’a conduit à accentuer la dimension de satisfaction du sujet qu’il a appelé jouissance, celle à qui le mal est intrinsèquement lié. Cette lecture est inséparable d’une nouvelle économie que Lacan a proposée, articulée avec le désir de l’Autre, cet Autre qui méconnaît que le sujet est un être désirant dans la mesure où lui aussi est inconscient. Le mal, comme l’a montré Lacan, et à sa suite, comme on le rencontre dans la psychanalyse, n’est ni le péché ni la transgression. Il s’articule par contre à la loi morale telle que l’a formulée Kant, et avec la parodie de cette loi, telle que Sade l’a mise en œuvre.

La pensée humaine est aujourd’hui confrontée au spectacle du mal sous toutes ses formes – y compris le spectacle entre l’opulence d’une partie du monde et la noire misère d’une grande masse de l’humanité. Et pourtant le mal reste difficile à comprendre. L’histoire de la pensée philosophique et religieuse est traversée des efforts pour résoudre ce problème. Ces efforts cherchent à expliquer le mal – c’est-à-dire à le détruire.

Pierre-Henri Castel est psychanalyste et philosophe. Dans un « essai hâtif sur la fin des temps », aussi profond que caustique, Le Mal qui vient (Les éditions du Cerf, 2018), il analyse les conséquences de ce qu’il appelle les temps de la fin. Notre époque est en effet, selon lui, celle où la fin de l’humanité est devenue certaine, dans un horizon qu’il place à quelques siècles. Et comme il n’est plus possible d’espérer empêcher cet anéantissement à venir, il faut se pencher sur un concept difficile à concevoir : le Mal. Puisque avec la fin des temps, la jouissance de la destruction deviendra de plus en plus tentante.

Le mal radical kantien est un mal de nature morale. Chez Kant, le mal radical est pris dans une conception purement morale, c'est-à-dire que la première chose qu'il faut dire, c'est que la discussion sur le mal se déprend d'un lien à l'intellect et à la connaissance. La manière dont Kant aborde le mal est une manière anti-intellectualiste. Dans la tradition, la maxime socratique "Nul n'est méchant volontairement" a joué un grand rôle. On a souvent expliqué le mal en le rabattant sur l'erreur, donc par une confusion entre le bien apparent et le bien réel. En réalité, tout le monde veut faire le bien, mais parce qu'on confond les deux, on en arrive à faire le mal, qui est donc imputable à l'intellect, au raisonnement, comme si c'était une erreur de calcul ou une erreur de raisonnement, et non pas à la volonté.

Nietzsche opère bien une « transmutation de toutes les valeurs », mais ce n’est pas pour conférer au mal une valeur plus grande. En fait, il s’agit plutôt de dépasser cette opposition bien-mal, de se hausser « par-delà le bien et le mal », de nier, à ces deux concepts, une quelconque signification, sinon celle de symptôme, celui d’une certaine constitution physiologique. Pour s’opposer à la morale, il ne s’agit pas, pour Nietzsche, de choisir le mal plutôt que le bien. En fait, celui qui fait un tel choix reste prisonnier de l’opposition bien-mal, telle que l’a établie la morale.

Si l'athéisme est le “système de tous les gens qui savent raisonner“, alors l'homme est seul dans l'Univers. Mais Sade fait de cette solitude une source de liberté. Le mal n'existe plus. L'homme est seul juge de ce qui est bien ou mal. “Quand l’homme se livre à l’homicide, c’est une impulsion naturelle qui le pousse, l’homme qui détruit son semblable est à la nature comme ce que lui sont la peste et la famine”. Le meurtre chez Sade n'est pas condamnable du point de vue de la nature. L'homme naturel dépasse les conventions, vit selon les règles pré-sociales. Même du point de vue social, le crime est légitimé : “La fierté du républicain demande un peu de férocité, s’il s’amollit, si son énergie se perd, il sera bientôt subjugué“.

Le concept de liberté n’est pas thématisé chez les anciens, la liberté est en effet associée à l’origine d’une perspective finaliste d’un vivant poursuivant sa fin, ce mouvement est le signe de son inachèvement, cela comprend la possibilité de la mauvaise action, et l’identité de l’être et de la pensée comme substance ayant franchi le seuil de la conscience réfléchie. C’est en ce sens que l’entend le penseur aristotélicien, quant à Platon, il se réfère à la justice et prend comme référence, une norme transcendante, le Bien. Nous avons un semblant d’autorité au sens d’Arendt, on entre dans le véritable débat de la liberté car elle trouve son origine dans le débat du politique.

La « banalité du mal » est un concept philosophique, développé par Hannah Arendt, en 1963, dans son ouvrage Eichmann à Jérusalem : Rapport sur la banalité du mal. Lors de son procès, Adolf Eichmann, qu’on pense être une bête furieuse, et qui devrait laisser une forte impression, montre plutôt l’image d’un petit fonctionnaire médiocre, ce qui fait dire à Arendt que le mal ne réside pas dans l’extraordinaire mais dans les petites choses, une quotidienneté à commettre les crimes les plus graves. Cette notion a donné lieu à d'importantes polémiques, certaines personnes considérant qu'elle revient à déresponsabiliser les dirigeants nazis de leurs crimes, bien qu'Hannah Arendt se soit toujours opposée à cette interprétation.

Freud ne se faisait guère d’illusions, sur la nature humaine et, encore moins, sur sa moralité. « Les morales ne sont, elles aussi, qu’un langage figuré des passions » (Par delà le bien et le mal, Friedrich Nietzsche, 1886). Et d’enchaîner : « De l’air ! De l’air ! Cette officine où l’on fabrique les idéaux, il me semble qu’elle pue le mensonge à plein nez » (La généalogie de la morale, Friedrich Nietzsche, 1887). En ce sens Freud était étranger à la morale. Freud était amoral.

C'est d'abord à une radicale remise en question de la vérité que procède Nietzsche (1844-1900) dans Par-delà le bien et le mal (1886). Ce texte d'une écriture étincelante, férocement critique, met en effet au jour, comme un problème majeur jusque-là occulté, inaperçu, celui de la valeur. Il y destitue les positions philosophiques passées et présentes (autant de croyances), et stigmatise, en les analysant un à un, l'ensemble des préjugés moraux qui sous-entendent notre civilisation.

Le mal n’est pas un concept psychanalytique, non ! C’est une notion qui trouve sa place, et toute sa consistance, dans le discours de la morale, de la religion, de la philosophie, et même de la médecine, car cela concerne aussi le corps. Tous ces discours, qui diffèrent selon la conception qu’ils se font du bien par rapport au mal, ont pourtant une visée commune : accorder au mal une nature et une causalité telles qu’elles ne mettent pas en péril la complétude ou en tout cas la consistance de l’Autre : Autre de la loi, Autre divin, Autre de la raison et du sens.

De, même Bien et Mal "ne désignent pas non plus rien de positif dans les choses, mais rien d’autre que des manières de penser ou notions que nous formons de ce que nous comparons les choses entre elles". Ce pourquoi Spinoza commence le livre IV, en définissant, ainsi, les concepts moraux : "Par bien et mal, j’entendrai ce que nous savons avec certitude être un moyen d’approcher ou de s’éloigner du modèle de la nature humaine que nous nous proposons". Nous appelons bien ou mal ce qui sert ou bien nuit à la conservation de notre être. Enfin, Spinoza rapproche les notions de bien et de mal de celles de joie et de tristesse, comme passage à une perfection plus ou moins grande : "La connaissance du bien et du mal n’est rien d’autre que l’affect de joie ou de tristesse, en tant que nous en sommes conscients".

"Quoique vous fassiez, vous ferez mal !", Sigmund Freud. Durant toute sa vie, Freud incarna le scandale en Autriche. L'inventeur de la psychanalyse, qui a notamment découvert l'inconscient, et l'importance de la sexualité infantile dans le traitement des névroses, fut un mal-aimé, dans sa patrie, l'Autriche. Les rapports de la psychanalyse avec la France ont, dès le début, été compliqués. « Les Français ont toujours été hostiles à Freud à cause de Pierre Janet et des théories qui existaient en France avant lui. Tout ce qui est dit contre Freud est dit depuis 1914. », rappelait Alain de Mijolla.

Il s'agit d'explorer la question du mal chez Schopenhauer, question qui n'a, semble-t-il, jamais été abordée, frontalement, bien qu'elle semble tout à fait essentielle, dans sa double dimension, à la fois éthique, et métaphysique. Il faut, en d'autres termes, envisager le sens de l'existence humaine dans le pire des mondes possibles : face à l'omniprésence et à la positivité lancinante du mal, quelles postures existentielles sont encore à notre disposition ?

Le tremblement de terre de Lisbonne, en 1755, avec ses milliers de morts, avait provoqué une onde de choc chez les plus grands penseurs européens, Kant, Goethe, Voltaire, Rousseau. Comme Auschwitz, quelque deux cents ans plus tard, la simple évocation de ce nom de lieu valait pour la dénomination du mal en général, du mal qui résiste obstinément à l’explication par les raisons. C’est pourquoi la philosophe américaine, établie en Allemagne, Susan Neiman fait du premier événement le moment inaugural de la modernité, et du deuxième son point terminal, pour tisser ainsi le fil conducteur de son livre: comment la philosophie moderne aborde-t-elle le mal ?

La question du mal, de son existence et de sa justification est le problème à côté duquel tous les autres me semblent subalternes, et c’est Leibniz qui s’en est emparé avec le plus de force et de conviction. Cette sensibilité est le fruit d’un cheminement personnel : j’ai peu à peu pris conscience que le mal est prégnant, non seulement dans ma vie, mais dans l’histoire du monde et des hommes.

Le mal correspond aux conduites intentionnelles qui causent la mort, la souffrance, la misère, l'indignité. Sont qualifiables de mauvais : le meurtre, la torture, les agressions, les destruction, l'exploitation, l'asservissement, le vol, le viol, l'humiliation, etc.

"Il fallait que l'on fasse quelque chose, raconter ce qui se passait, une fois rentrés chez nous. Il fallait que les gens comprennent.", Yehuda Shaul, ancien soldat israélien, fondateur de Breaking the Silence, in "Hébron, Palestine : la fabrique de l'occupation".

"Tandis que les crachats rouges de la mitraille
Sifflent tout le jour par l’infini du ciel bleu ;
Qu’écarlates ou verts, près du Roi qui les raille,
Croulent les bataillons en masse dans le feu ;

Tandis qu’une folie épouvantable broie
Et fait de cent milliers d’hommes un tas fumant ;
– Pauvres morts ! dans l’été, dans l’herbe, dans ta joie,
Nature ! ô toi qui fis ces hommes saintement !…

– Il est un Dieu, qui rit aux nappes damassées
Des autels, à l’encens, aux grands calices d’or ;
Qui dans le bercement des hosannah s’endort,

Et se réveille, quand des mères, ramassées
Dans l’angoisse, et pleurant sous leur vieux bonnet noir,
Lui donnent un gros sou lié dans leur mouchoir !"
Arthur Rimbaud (1854-1891), Le mal.

En Allemagne, le début des années 1920 est marqué par une crise profonde, que les militants d’extrême droite instrumentalisent, pour favoriser l'essor de leurs partis. Le Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei, parti national-socialiste des travailleurs allemands, a le vent en poupe.

Son PDG, et actionnaire principal, Bernard Arnault, est désormais l’homme le plus riche du monde. Sa fortune personnelle oscille autour des 200 milliards de dollars, soit un peu moins que le PIB de la Grèce.

L’événement le plus spectaculaire fut « J’accuse », le manifeste d’Émile Zola, publié le 13 janvier 1898. Il y affirme l’innocence d'Alfred Dreyfus, la culpabilité de Ferdinand Esterhazy, et accuse les ministres de la Guerre, les officiers de l’état-major, et les experts d’être responsable de la condamnation d’un innocent.

Sur le corps de Victor Basch, un écriteau : « Terreur contre terreur. Le juif paie toujours. Ce juif paye de sa vie l'assassinat d'un National. À bas De Gaulle-Giraud. Vive la France. » — Comité National Anti-Terroriste, région lyonnaise.

“L'idée qu'un autre monde est possible est quand même plus stimulante que l'injonction de se résigner au désordre des choses !”, Marie Ségolène Royal, haut-fonctionnaire et femme politique française, membre du Parti socialiste, atchoum, née le 22 septembre 1953, à Ouakam (Sénégal), in Le Monde du 23 juin 2006.

I drank, but that failed to bring about worldwide revolution.

Do de la Cuillère, puisqu'analyste, pour faire bonne mesure, et contre toute attente.

"Je suis contre, tout contre", Alexandre Guitry (1885-1957), fumeur, dramaturge, acteur, metteur en scène, réalisateur et scénariste français, in La Possibilité Dunhill.

"- J'ai tout mis en œuvre pour donner le bon exemple à mes enfants, j'ai fait de mon mieux pour vous apprendre à distinguer le bien du mal, et j'ai échoué.
- T'as pas échoué, je pense qu'on fait très bien la différence entre le bien et le mal, mais on a choisi le mal.", in Desperate housewives.

Date de dernière mise à jour : 17/02/2024

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