L’année 1942 marque un tournant, dans la persécution des Juifs de France, et le début de la mise en œuvre de l'Endlösung der Judenfrage, la « solution finale de la question juive », à l’échelle européenne. La plupart des registres de mise à mort ont été détruits, par les nazis, à la fin de la guerre. Mais une étude récente a pu s'appuyer sur les archives des chemins de fer allemands. Ces archives montrent que, en moins de trois mois, au cours de l'année 1942, les nazis ont exterminé plus de 1,5 million de personnes (Juifs polonais pour la majorité).
En janvier 1942, les schutzstaffels et la police du Nord commencent à ratisser la région, méthodiquement, zone par zone, tuant les Juifs des petits ghettos, et ceux qui s'étaient réfugiés dans les forêts. Seulement quelques milliers parviennent à en réchapper.
La Wannseekonferenz réunit, à la villa Marlier, à Berlin, le 20 janvier 1942, quinze hauts responsables du Troisième Reich, délégués des ministères, du parti, ou de la Schutzstaffel, avec pour objectif de mettre au point l'organisation administrative, technique, et économique de l'Endlösung der Judenfrage.
C'est Reinhard Heydrich, principal adjoint de Heinrich Himmler, qui convoque cette conférence. Tous deux ont besoin, pour la mise en œuvre des déportations, dans l'Europe entière, de la pleine coopération de l'administration allemande. À cet égard, la Deutsche Reichsbahn, la société ferroviaire d’État, a joué un rôle essentiel.
La conférence ne décide pas du génocide. En effet, l'Endlösung der Judenfrage a déjà vu un commencement de mise en œuvre. La question dont on discute est celle des Mieschehe (Juifs à conjoint aryen), et des Mischlinge (demi-Juifs). Une autre question discutée fut celle des Juifs allemands, travaillant dans les usines d'armement.
Le procès-verbal de la conférence ne laisse aucun doute sur le plan criminel d'extermination systématique des Juifs. Plus de onze millions de Juifs de l'Europe entière (y compris les Juifs français, les Juifs britanniques, suisses ou portugais, inclus dans le décompte statistique) doivent être arrêtés, et « évacués » vers l'Est, où ils trouveront la mort.
Le 17 mars 1942, le premier convoi des Juifs de Lublin a pour destination le centre de Bełżec, premier des trois centres d'extermination nazis. Suivra la mise en service des camps de Sobibór, et de Treblinka, dont il constitue le prototype.
Le 18 avril, sous le sixième gouvernement de Pierre Laval, René Bousquet est nommé secrétaire général de la police, faisant fonction de directeur général de la Police nationale. A ce titre, Bousquet joue un rôle central, dans la collaboration policière, avec l'Occupant. Il dispose d'une large autonomie, à condition de combattre les ennemis du Reich : communistes et résistants.
On estime que, pendant la période où René Bousquet a exercé ses fonctions, d’avril 1942 à décembre 1943, ce sont 60 000 juifs qui furent arrêtés, pour être livrés aux nazis. Au regard de l'Histoire, René Bousquet fut l’exact opposé d’un autre préfet, Jean Moulin, héros de la Résistance.
Imposé, par les autorités allemandes, qui jugeaient son prédécesseur trop modéré, Louis Darquier de Pellepoix, figure caricaturale de la haine, est porté, en 1942, aux responsabilités criminelles du commissariat général aux questions juives. Sa nomination est due, notamment, à la demande de Theodor Dannecker, responsable des questions juives, pour la gestapo, à Paris.
Son prédécesseur, le catholique Xavier Vallat, a une place de choix, dans le panthéon de l'extrême droite, et passerait, volontiers, pour un « antisémite intègre », face au deuxième commissaire général aux Questions juives, « odieux voyou raciste ». Darquier occupe, dans les mémoires, la place peu enviable de "personnage le plus hideux du Paris de l'Occupation" (Patrick Modiano).
Le 9 octobre 2014, l'œuvre Patrick Modiano est couronnée, par le prix Nobel de littérature, pour «l'art de la mémoire avec lequel il a évoqué les destinées humaines les plus insaisissables et dévoilé le monde de l'Occupation». Nobel qualifie Modiano de « Marcel Proust de notre temps ».
Le 5 mai 1942, Reinhard Heydrich se rend à Paris, afin d’installer le général Karl Oberg, comme chef de la schutzstaffel et de la police, en France. Et pour lancer la préparation des déportations massives.
René Bousquet rencontre Reinhard Heydrich, le 6 mai 1942. Il engage, à partir de juin, une négociation, sur les questions de police, avec le général Carl Oberg, chef supérieur de la schutzstaffel et de la police, en zone occupée.
Début juin, en zone occupée, tous les Juifs, de plus de 6 ans, doivent porter l’étoile jaune. L’accès à la plupart des lieux publics leur est interdit. L’étau se resserre encore, pour les Juifs, ostracisés et stigmatisés.
Ayant, imprudemment, choisi d’être peu protégé, malgré son rang, vice-gouverneur du protectorat de Bohême-Moravie, directeur de l'Office central de la sécurité du Reich, et chargé de l'organisation de la mise en œuvre de la Solution finale, Heydrich tombe dans un guet-apens sommaire, organisé par la résistance tchécoslovaque.
Légèrement atteint, par l'explosion de la bombe artisanale, il se remet progressivement, mais finit par mourir, une semaine plus tard, le 4 juin 1942, à l’hôpital Na Bulovce, à Prague, son état s'étant, subitement, dégradé, à cause d’une surinfection, inattendue, de ses blessures.
"Cette vie est un hôpital où chaque malade est possédé du désir de changer de lit.", Charles Baudelaire (1821 Paris - 1867), in N’importe où hors du monde.
La disparition de Reinhard Heydrich prive le régime hitlérien d'un dirigeant particulièrement efficace. En effet, homme très déterminé, il était, depuis 1931, un maillon essentiel de la terreur nazie.
On appellera Aktion Reinhard l'entreprise nazie d'extermination systématique des Juifs, des Roms, et des Sintés du « Gouvernement général de Pologne ». Dans le cadre de l'action Reinhard ont été exterminés environ 1 600 000 Juifs, entre mars 1942 et octobre 1943, ainsi que près de 50 000 Roms, dans les trois centres d'extermination de Bełżec, Sobibór et Treblinka.
Reichssicherheitshauptamt, « Office central de la sécurité du Reich », est le nom de l'organisme, créé en 1939, par Himmler, en fusionnant les organismes de répression d'État. Le 30 juin, Adolf Eichmann, le chef de sa section antijuive, se rend à Paris.
À partir de juillet 1942, une « sélection » a lieu, à l'arrivée de chaque nouveau convoi de déportés. Sur un geste des schutzstaffels, les déportés valides sont sélectionnés, pour le travail forcé. Les inaptes au travail (enfants, vieillards, infirmes, femmes enceintes, personnes âgées) ou ceux qui n'exercent pas un métier manuel sont, immédiatement, conduits à la chambre à gaz.
Le 4 juillet 1942, Pierre Laval propose la déportation des enfants juifs de moins de 16 ans. En France, la mise en œuvre de la solution finale, par les Allemands, à laquelle l'administration française se prête, coûtera la vie à près de 11 000 enfants.
Ce sont des déportées slovaques, qui sont, à l'été 1942, les premières victimes de la sélection instituée à l'arrivée à Auschwitz. Au cours de cet été, 300 000 Juifs, du ghetto de Varsovie, sont déportés, en masse, au camp d'extermination de Treblinka, et aussitôt gazés.
Le 15 juillet 1942, 1135 Juifs d'Amsterdam convoqués « pour aller travailler en Allemagne » sont aussitôt déportés, les premiers, à Auschwitz. Le même jour, 200 Juifs sont ainsi arrêtés à Tours, 66 à Saint-Nazaire.
A la demande des Allemands, René Bousquet, antisémite convaincu, organise la rafle du Vélodrome d'Hiver, la plus grande arrestation de Juifs, réalisée, en France, pendant la Guerre. Les 16 et 17 juillet 1942, plus de treize mille personnes, dont près d'un tiers d'enfants, sont arrêtées, puis détenues, pendant cinq jours, dans des conditions d'hygiène déplorables et, presque, sans eau ni nourriture. Internées à Pithiviers et Beaune-la-Rolande, elles seront, pour l'essentiel, déportées, peu de temps, après, au centre d'extermination d'Auschwitz.
Parti d’Angers, le 20 juillet 1942, le convoi n° 8, 824 arrêtés par la sicherheitspolizei agissant seule, occupe une place particulière, parmi les 77 convois déportant les Juifs de France vers les camps d’extermination nazis. C’est, en effet, le seul à être parti, directement, vers Auschwitz, sans passer par Drancy.
Du 13 au 20 août, de très nombreux Juifs croates sont déportés, à Auschwitz, par les collaborateurs oustachis. Particulièrement nombreuses, en 1942, les rafles de Juifs continuent, à intervalles réguliers, dans pratiquement tous les pays d'Europe.
À partir du 15 août, la sicherheitspolizei commence à rafler les Juifs d'Anvers, avec la collaboration, active, des autorités communales. À Bruxelles, où le bourgmestre, Jules Coelst, a refusé d'aider l'occupant, les rafles de septembre donnent des résultats nettement moins satisfaisants. Les deux tiers des Juifs d'Anvers sont déportés, contre un tiers de ceux de Bruxelles.
Bien qu'aucun soldat allemand ne soit présent en zone sud, le gouvernement français accepte -cas unique en Europe occupée- de livrer des Juifs, qui y résident, extraits des très durs camps d'internement de Gurs, Noé, Récébédou, et des Milles.
Le 26 août 1942, six semaines après la rafle du Vélodrome d'Hiver, René Bousquet est l'organisateur principal d'une vaste rafle (5885 Juifs étrangers arrêtés et déportés) qui s'abat sur la zone libre, à Lyon, Toulouse, et d'autres grandes villes méridionales.
En même temps, se prépare la destruction des grands ghettos de l’Ostland. La méthode est, souvent, la même. La veille de la tuerie, un détachement juif creuse des grandes tombes. Dans la nuit, ou à l'aube, les forces allemandes pénètrent dans le ghetto et rassemblent les Juifs. Ceux qui tentent de se cacher sont exécutés, parfois à la grenade. Ceux qui se sont groupés sont amenés par camions jusqu'aux fosses communes, où ils sont exécutés par balle. Fin 1942, il n'y a pratiquement plus de Juifs en Ukraine.