Coyoacán, charmant quartier colonial, qui a conservé son ambiance bohème, est l'une des seize demarcaciones territoriales de Ciudad de México. Il s'étend dans le sud de cette ville, qui est la capitale des Estados Unidos Mexicanos, Etat situé dans la partie méridionale de l'Amérique du Nord. Le nom Coyoacán est formé de trois parties : coyotl (le coyote); hua (suffixe possessif); can (suffixe locatif). L'association de ces trois parties signifie : L'endroit de ceux qui possèdent des coyotes. À l'époque préhispanique, Coyoacán était une cité tépanèque, située au bord du lac Xochimilco. Coyoacán est conquise, par les Aztèques, en 1430, et reliée, par une chaussée, à Tenochtitlan, la capitale de l'Empire aztèque.
Diego Rivera (1886 Guanajuato, México et Estados Unidos Mexicanos - 1957 Mexico) est un peintre mexicain, connu pour ses peintures murales, réalisées au Mexique et aux États-Unis. A 10 ans, il entre à l'École nationale des beaux-arts de Carlos. Communiste, « Je n'ai jamais cru en Dieu, mais je crois en Picasso », il est fasciné par le passé préhispanique du Mexique, et collectionne les conquêtes féminines avec la même avidité que les statuettes précolombiennes. Il fut l'époux de Frida Kahlo. Il meurt d'une attaque cardiaque, dans son studio de San Angel. Contre ses dernières volontés, sa dépouille est déposée, près de celles des autres héros du Mexique, au Panthéon de Dolores, dans la « Rotonde des Hommes Illustres », à Mexico.
La casa Azul, construite en 1904, nommée ainsi d'après la couleur de ses murs extérieurs et intérieurs, est située avenida Londres, dans le centre de Coyoacán. Dans cette belle demeure, Frida Kahlo est née, et a vécu la plus grande partie de sa vie. D'abord, avec sa famille. Puis, des années plus tard, avec son époux, Diego Rivera. De nombreux visiteurs, illustres ou moins connus, fréquentèrent le lieu, attirés par le génie et l'aura du couple, catastrophique et tumultueux, qui n'y sera pas seul à chanter « l’Internationale », sur tous les tons, et dans toutes les langues.
Debout, les damnés de la terre
Debout, les forçats de la faim
La raison tonne en son cratère,
C'est l'éruption de la faim.
Du passé faisons table rase,
Foule esclave, debout, debout
Le monde va changer de base,
Nous ne sommes rien, soyons tout.
Refrain :
C'est la lutte finale ;
Groupons nous et demain
L'Internationale
Sera le genre humain.
Il n'est pas de sauveurs suprêmes
Ni Dieu, ni César, ni Tribun,
Producteurs, sauvons-nous nous-mêmes
Décrétons le salut commun.
Pour que le voleur rende gorge,
Pour tirer l'esprit du cachot,
Soufflons nous-mêmes notre forge,
Battons le fer tant qu'il est chaud.
L'État comprime et la Loi triche,
L'impôt saigne le malheureux ;
Nul devoir ne s'impose au riche ;
Le droit du pauvre est un mot creux
C'est assez languir en tutelle,
L'Égalité veut d'autres lois ;
"Pas de droits sans devoirs, dit-elle
Égaux pas de devoirs sans droits."
Hideux dans leur apothéose,
Les rois de la mine et du rail
Ont-ils jamais fait autre chose
Que dévaliser le travail ?
Dans les coffres-forts de la banque
Ce qu'il a crée s'est fondu,
En décrétant qu'on le lui rende,
Le peuple ne veut que son dû.
Les rois nous saoulaient de fumée,
Paix entre nous, guerre aux Tyrans
Appliquons la grève aux armées,
Crosse en l'air et rompons les rangs !
S'ils s'obstinent ces cannibales
A faire de nous des héros,
Ils sauront bientôt que nos balles
Sont pour nos propres généraux.
Ouvriers, paysans, nous sommes
Le grand parti des travailleurs,
La terre n'appartient qu'aux hommes,
L'oisif ira loger ailleurs.
Combien de nos chairs se repaissent !
Mais si les corbeaux, les vautours,
Un de ces matins disparaissent,
Le soleil brillera toujours.
Frida Kahlo (1907 Coyoacán, México et Estados Unidos Mexicanos - 1954) est délaissée, à sa naissance, par sa mère, épuisée par ses grossesses rapprochées, mais aussi par la mort de son fils encore nourrisson, peu avant la conception de Frida. Son père, Wilhelm Kahlo, est un immigré allemand, d’origine juive hongroise, sa mère Matilde Calderón, est de souche indienne. Frida est la troisième fille de ce couple, qui en eut quatre. Elle déclenche, à l’âge de 6 ans, une poliomyélite, qu'elle peut avoir assimilée à un châtiment : elle avait aidé une de ses sœurs... à s’enfuir. En 1922, à 15 ans. Frida devient membre du groupe anarchiste des « Cachuchas ». Le 17 septembre 1925, elle est victime d'un grave accident de la circulation. Elle écrit : « J’ai eu deux accidents graves dans ma vie. L’un, c’est quand un tramway m’a écrasée. L’autre, c’est Diego. » Apparemment, le divan ne fait pas partie du mobilier mexicain. Frida Kahlo a marqué l'histoire de l'art, par des œuvres poignantes, et des autoportraits bouleversants.
Mais la toile, chez Kahlo, peut, aussi, faire vaciller l’intégrité du moi, et traduire une enveloppe à vif, où le dedans, et plus seulement le dehors, s’offre au regard. Révélant des angoisses d’intrusion, non sans bascule vers l’anéantissement. Le corps est en vrac, en morceaux, intrusé. L’excitation, permanente, émane d’un corps vécu comme tyrannique, et l’œuvre est marquée par le travail du narcissisme de mort. L’atteinte de l’enveloppe d’inscription, à valeur de communication, se lit, à travers l’aspect désolé du paysage, la place conférée au végétal, mais, aussi, le redoublement de personnages.
Cristina Kahlo y Calderón (1908–1964) was the sister of Frida Kahlo. Cristina, who was the youngest daughter of the Kahlo family, was eleven months younger than Frida; the pair were very close. The Kahlo y Calderón family lived in a house built by Guillermo, in Coyoacán, México et Estados Unidos Mexicanos. Guillermo Kahlo, their father, worked as a photographer. Frida painted a portrait of Cristina, titled Portrait of Cristina, My Sister. Diego Rivera, Frida's husband, also portrayed Cristina, with whom he had an affair, in his work.
La douleur peut être revendiquée comme moteur du processus créateur. Ainsi, Sigmund Freud écrit-il, en 1911, à Sandor Ferenczi : « Je ne peux travailler avec application quand je suis en très bonne santé, j’ai besoin de quelque malaise, dont il me faut m’arracher ». Plus que la maladie ou la perte, c’est la douleur, elle-même, qui devient pour Freud le moteur de la création. Dès lors se pose la question de l’incidence de la maladie, et de la douleur qu’elle génère, sur le fonctionnement psychique du créateur.
« Un soir, lors d’une fête donnée par Tina Modotti, Diego tira sur un phonographe avec un pistolet et je me mis à m’intéresser beaucoup à lui malgré la peur qu’il m’inspirait. » Frida lui montre ses peintures. Diego l’encourage. Diego : « Le dimanche suivant, je me retrouvai à Coyoacan à chercher le 126 avenida Londres. Quand je frappais à la porte, j’entendis quelqu’un siffler l’Internationale. Je vis Frida en salopette. » Frida : « Je tombais amoureuse de Diego et cela déplut à mes parents parce que Diego était communiste. Ils disaient que c’était comme le mariage entre un éléphant et une colombe. Quand Frida jette son dévolu sur Diego Rivera, il est, déjà, une légende. Il l'épouse, le 21 août 1929 » Il a 43 ans. Frida est, de 22 ans, sa cadette.
En 1930 et 1932, Frida fait deux fausses couches. Dans le même temps, Diego continue à avoir des enfants, de ses maîtresses... sans les reconnaître.
En 1934, Diego entame une liaison, avec sa belle-sœur, Cristina. Frida en souffre... épouvantablement : « Avec Diego, la situation empire de jour en jour. Après avoir sombré durant des mois dans le tourment, j’ai pardonné à ma sœur. J’avais cru qu’ainsi les choses allaient changer un peu, mais c’est tout le contraire. » Frida abandonne le domicile conjugal.
Quelques mois plus tard, elle écrit une lettre à Diego Rivera dans laquelle elle capitule : elle dit être prête à accepter ses infidélités, considérées comme de simples "diversions", et que celles-ci ne doivent pas détruire l'amour qui existe entre eux. D'un ton à la fois taquin, et poignant, Frida termine sa lettre par cette supplication : "Aime-moi juste un peu. Je t'adore."
À cette époque, elle a commencé à entretenir plusieurs liaisons amoureuses, au Mexique et aux États-Unis. Certaines donnent lieu à d'intenses échanges de lettres. Dans certains de ces courriers, elle utilise du fard à joues pour laisser des traces de baisers. En guise de signature, elle adopte le surnom suggestif "Xóchitl", qui signifie "fleur", dans la langue Nahuatl.
En juillet 1936, en Espagne, la guerre civile vient d’éclater. L’onde de choc n’épargne pas la casa Azul. Les dictateurs se serrent les coudes... les démocraties font comme si de rien n’était.
"A force de vouloir m'abriter en toi, j'ai perdu de vue que c'était toi, l'orage. Que c'est de toi que j'aurais dû vouloir m'abriter. Mais qui a envie de vivre abrité des orages ? Et tout ça n'est pas triste, mi amor, parce que rien n'est noir, absolument rien." Frida parle haut et fort, avec son corps fracassé et sa manière excessive d'inviter la muerte et la vida, dans chacun de ses gestes. Elle jure comme un charretier, boit des trempées de tequila, et elle ne voit pas où est le problème. Elle aime les manifestations politiques, mettre des fleurs dans les cheveux, parler de sexe crûment, et les fêtes à réveiller les morts. Et elle peint. Frida aime, par-dessus tout, Diego, le peintre le plus célèbre du Mexique, son crapaud insatiable, et fatal séducteur.
"Nous descendîmes dans la banlieue de Mexico. Une basse maison bleue, un patio rempli de plantes, des salles fraîches, des collections d’art précolombien, des tableaux à profusion. Nous étions sur une nouvelle planète, chez Frida Kahlo et Diego Rivera." Ils s'y installent.
Diego transforme la casa Azul en camp retranché : murs consolidés, policiers en faction, personnel trié sur le volet. Il va, même, acheter la maison voisine, pour plus de sécurité, et pour agrandir l'espace. Les Trotski se sentent, vite, à l'aise, avec ce couple d'artistes, libres et bohèmes, dans ces lieux sécurisés, à jouir du patio, des pièces spacieuses, des repas pris en commun, et des discussions politiques, sans fin.
L’arrivée des Trotski est une bouffée d’air frais, pour Frida. La jeune femme leur sert de guide et d’interprète, car les réfugiés ne parlent pas l'espagnol. Les deux couples s’entendent bien. Diego et Léon se lient d’amitié. Trotski, d’ordinaire si distant, baisse la garde. Diego est le seul à pouvoir lui rendre visite, sans rendez-vous, et un des rares à être reçu, sans la présence d’un tiers.
A 58 ans, Trotski est un bel homme, élégant, très intelligent, et qui aime les femmes. Il est attiré par Cristina, la sœur de Frida; mais celle-ci se refuse à lui.
Frida adopte vite, dans ses relations avec Trotski, un comportement assez libre. A la manière américaine, elle lui lançait : « All my love », en le quittant. Bientôt, il est charmé et séduit, par la personnalité de Frida. Elle aborde la trentaine, elle est fascinante, belle, d’une élégance recherchée, arbore de spectaculaires et somptueux bijoux, aime passionnément le vin, le sexe, l’amour, l’art, la politique, tout. Trotski se prend au jeu. Il se met à lui écrire. Natalia souffre. Diego, lui, ne se doute de rien.
Personnalité hors-normes hantée, dès l’enfance, par la maladie, et la mort, Frida voit, dans son engagement politique, une affirmation de la vie. Trotski, lui, sait ses jours comptés. Il est aux abois... pourchassé par des tueurs, qui sont à ses trousses : les agents du NKVD, la police secrète de Staline, qui veut la peau de ce rival encombrant, trop populaire, prévoit d'éliminer son ennemi majuscule, et l’a condamné à mort, par contumace. Staline, au pouvoir à Moscou, voudrait effacer, de Trotski, jusqu’au dernier souvenir.
Trotski connaît les dangers d’une telle liaison. Si elle venait à être connue, sa réputation serait fortement entachée. Et, comment Diego, si jaloux, réagirait-il ? Le jeu de séduction débute, dans son dos... et celui de Natalia. Frida surnomme Trotski : « barbichette ». Elle organise des pique-niques, et des escapades, dans les environs de Mexico. Ils flirtent, discrètement.
Trotski vit une seconde jeunesse, s'enflamme, comme un adolescent, attend avec fébrilité les rendez-vous clandestins. Comme deux rescapés qui connaissent l'urgence de la vie, ils vont se reconnaître, se séduire, s'aimer, pendant quelques mois, sous le soleil du Mexique, là où Frida vit, aux côtés de son mari. Là où Trotski a trouvé asile, avec sa femme.
Le 7 juillet, les deux amants prennent le large. Ils s'isolent, dans une hacienda, près de Miguel Regla, à une centaine de kilomètres de Mexico. Des rumeurs, sur leur liaison, commencent à circuler. Si elles s'avéraient, cela compromettrait, gravement, Trotski, et lui ferait courir des risques importants. Leur idylle est devenue dangereuse.
Le 15 juillet, Trotski rentre, à Coyoacán, où il passe trois jours, avec Natalia. Il choisit l’épouse fidèle. Frida décide de rompre. Elle n'est pas amoureuse. Elle est tombée, dans les bras de Trotski, plus par admiration, que par un mouvement du cœur. A-t-elle voulu se venger de Diego ? Elle sait cette liaison condamnée d'avance.
À la fin de l’année, pour l’anniversaire de son ex-amant, Frida offre, à Trotski, un autoportrait, accompagné de la dédicace suivante : « Pour Léon Trotski, je dédie avec toute mon affection cette peinture ce jour 7 novembre 1937 Frida Kahlo à Angel Mexico ».
À la casa Azul, l'ambiance a changé. Le 2 novembre 1938, Diego, facétieux, offre à Trotski, pour son anniversaire, un crâne en sucre, à l’effigie de Staline. Trotski n’apprécie pas la plaisanterie. Rien ne va plus, sur le plan politique, entre les deux hommes. Pour Trotski, Rivera est un compagnon superficiel... voire un anarchiste. Rivera, lui, traite Trotski de « stalinien ». On sauve les apparences, en échangeant, quelques mots, sur des cactus sublimes. Frida est devenue distante. Cruelle, elle flirte avec son mari, sous les yeux de son infortuné ex-amant. Diego quitte la IVe Internationale.
Paris, 16 février 1939, Frida : "Quand je suis arrivée les tableaux étaient encore à la douane, parce que ce fils de pute de Breton n’avait pas pris la peine de les en sortir. J’ai dû attendre des jours et des jours comme une idiote, jusqu’à ce que je fasse la connaissance de Marcel Duchamp, le seul qui ait les pieds sur terre parmi ce tas de fils de putes lunatiques et tarés que sont les surréalistes. Je préférerais m’asseoir par terre pour vendre des tortillas au marché de Toluca plutôt que de devoir m’associer à ces putains d’ « artistes » parisiens."
Au cours de l’été 1939, Trotski quitte la casa Azul. Il s'installe, quelques rues plus loin, dans une maison, que l'on barricade. Il laisse, derrière lui, le tableau que Frida lui avait offert, pour son anniversaire.
Mais, l'histoire ne se termine pas là. Frida est approchée par Ramon Mercader. La peintre ne se méfie pas, et va jusqu'à dîner, un soir, avec lui. Le 20 août, onze ans après son arrivée à Mexico, Trotski ouvre sa porte à Mercader. Le tueur mandaté plante un pic à glace, dans le crâne du vieux révolutionnaire, affaibli et isolé.
"Je t’écris cela depuis une chambre d’hôpital, la salle de préparation au bloc opératoire. Ils essaient de me presser mais je suis déterminée à achever cette lettre. Je n’aime pas faire les choses à moitié, et encore moins maintenant que je suis au courant de ce qu’ils planifient : ils veulent blesser ma fierté en me coupant un pied. Lorsqu’ils m’ont annoncé qu’ils devaient m’amputer la jambe, cela ne m’a pas affecté comme chacun le croyait. Non, j’étais déjà une femme incomplète lorsque je l’ai perdu cette autre fois, peut-être la énième, et pourtant j’ai survécu. Cela n’a pas changé ma douleur et tu le sais, c’est presque une condition immanente à mon être, bien que j’ai souffert, et beaucoup, la fois, toutes les fois où tu m’as trompée. Pas seulement avec ma sœur, mais avec tant d’autres femmes. Comment ont-elles pu tomber dans tes filets ? [...] je n’ai jamais compris, qu’est-ce que tu cherchais, qu’est ce que tu cherches, qu’est ce qu’elles te donnent et t’ont donné que je ne t’ai pas offert. Parce que, soyons francs Diego, je t’ai donné tout ce qui était humainement possible et nous le savons. Maintenant tu le vois, mon morcellement sera visible à la vue de tous, de toi. [...] Je t’écris pour t’annoncer que je te libère de moi. Je “t’ampute” de moi. Sois heureux et n’essaies plus jamais de me voir. Je ne veux plus avoir de tes nouvelles ou que tu en aies de moi. […] C’est tout. Je peux enfin m’en aller et reposer en paix. Celle qui vous aimait d’une impétueuse folie fait ses adieux." Frida à Diego, 1953.
Le 13 juillet 1954, Frida Kahlo meurt d'une pneumonie. J'écris ton nom, Frida !!!